Deuxième jour de festival, le plus gros. J’attaque dès 11h00 avec
Dealer
De Jean Luc Herbulot (2014)
Film français sans distributeur donc pour l’instant sans date de sortie.
Le film raconte la pire journée de Dan, dealer de son quartier avec un gros passif dans la cocaïne, qui décide d’accepter de replonger pour un dernier énorme deal. Deal qui lui permettrait d’enfin vivre son rêve de déménager en Australie avec sa fille. Mais ce sera le début d’une très longue descente aux enfers pour lui et son entourage.
La comparaison obligatoire avec Pusher est inévitable, pourtant on l’oublie assez bien face à ce thriller bourré d’une énergie réellement communicative. Dealer ne distille que très peu de moments d’ennui grâce à une mise en scène tendue collant aux basques de Dan. On navigue sur les terres du polar noir et violent avec une bonne dose de cool et de fuck you attitude. Parsemé de références à Tarantino mais surtout à Fincher époque Fight Club plutôt bien digérée, avec des acteurs crédibles dont on n’avait jamais vu le visage auparavant, des scènes de violence d’une rare intensité, Dealer est une excellente alternative aux films estampillés Olivier Marchal.
Je n’ai pas assisté à la rencontre avec l’équipe qui était là le dimanche, alors que j’étais déjà partie; mais il paraît que l’acteur principale a un vécu assez proche de ce qu’y se passe dans le film, devant son interprétation habitée on peut le croire. Ce n’est pas encore le film d’une génération puisqu’il s’inspire beaucoup d’une génération déjà institutionnalisée et le ton global n’est peut-être pas encore suffisamment affirmé mais c’est encourageant.
Il faut soutenir le film si jamais on a la chance qu’il soit distribué.
Dernière info Le DVD de Dealer devrait sortir chez Artsploitation films vers la fin Septembre et ça c’est une bonne nouvelle.
Femina ridens
de Piero Schivazappa (1969)
Sans aucun doute ma première claque et tout simplement un ovni. Je n’ai pas vu toute la sélection mais celui-ci fait partie des purs trésors dénichés par l’équipe du festival.
Datant de 1969, ce film est le seul du réalisateur. C’est pourtant un pur chef d’œuvre méconnu du cinéma transalpin.
Le docteur Sayer est le dirigeant d’une importante organisation caritative mais c’est aussi un mâle dominant dans toute son expression. Une jeune journaliste, Mary qui doit récupérer des documents chez lui va rapidement faire les frais de ses jeux sadiques et misogynes. Mais Mary n’est pas la faible femme que le docteur imaginait et elle va subvertir les règles du jeu.
L’histoire débute sur une relation emprunte de sadisme et de domination pour déboucher sur un affrontement physique et psychologique entre l’Homme et la Femme. Le côté ultra pop des décors, allié à un humour particulièrement sarcastique sur les relations de couple transforme alors le film en un jeu particulièrement cruel et extrêmement drôle sur le besoin de l’homme d’affirmer sa virilité étouffante face à la subtilité déconcertante de la femme. Le tout étant raconté avec une puissance visuelle folle. Résolument moderne, elle fait hurler de rire et pourrait faire hurler Zemmour. Les 2 acteurs Philippe Leroy et Dagmar Lassander sont impeccables dans leurs rôles respectifs. La musique, également de Stelvio Cipriani participe à créer cette sensation qui oscille entre l’érotisme, l’humour surréaliste et la parodie des clichés romantiques. Ce film est une pépite dont ceux qui ont pu le voir connaissent leur chance. Il est toutefois très difficile à trouver. Il existe en import DVD italien sous le nom de Femina Ridens ou sous le nom the Frightened Woman en import Anglais.
En sortant de ce film je ressens ce plaisir cinéphile total que le festival peut nous offrir. Ce plaisir de découvrir une œuvre d’une puissance incroyable qui nous montre que la force du cinéma est aussi et souvent dans ses parallèles et ses chemins de traverses. Il faut vouloir s’y aventurer pour dénicher ces bijoux dont les Hallus semblent bien être l’écrin. Il existe d’autres festivals en France qui font un travail similaire. Mais il faut nous estimer chanceux d’avoir celui-ci pas très loin de chez nous. Je mange à moitié un sandwich acheté le matin même avant d’entamer la soirée Japanime serein. Connaissant bien les 2 films de la soirée, c’est avec la joie de les découvrir pour la première fois sur grand écran que je rentre dans la salle.
La soirée est présenté par Marc Aguesse, fondateur du site Catsuka (Un des meilleurs site sur l’animation sous toutes ses formes).
Il a choisi de nous présenter 2 court-métrages issus d’artistes du studio Colorido qui représentent pour lui une partie de la nouvelle japonaise en animation. Et c’est vrai que les 2 affichent une richesse visuelle incroyable. Le premier : the Portrait studio de Takashi Nakamura (qui fut directeur de l’animation sur Akira). Une histoire qui s’étire sur une vie. Le cheminement d’un photographe dont le seul rêve serait de réussir à faire sourire une petite fille. C’est peu de dire que le film est magnifique visuellement. N’ayant jamais recours à la 3D. Le manga préfère le style aquarelle. Il en ressort une palette visuelle d’une infinie qualité. Dommage qu’il traîne un peu en longueur et ne réussit pas complètement à nous plonger dans cette histoire pourtant touchante.
Le second Sonny Boy et Dewdrop Girl, réalisé par Hiroyasu Ishida, raconte la dernière poursuite d’un petit garçon timide après une petite fille qui doit changer de ville pour réussir à lui dire au revoir. Une palette de couleurs riches et dynamiques, une histoire menée tambour battant qui se conclue par une fin plutôt intelligente. Une vraie réussite et une animation qui nous fait s’envoler avec le héros.
Jin Roh
de Hiroyuki Okiura. (1999)
Le conte du petit chaperon rouge sert de trame de fond à cette histoire d’affrontements, de pouvoirs et de corruptions.
Sur un scénario de Mamoru Oshii (ghost in the shell) dont on retrouve certaines des constantes visuelles (les rames de tramway comme dans Avalon, le traitement visuel de la ville, les armures des « loups »). Jin Roh n’a rien d’un dessin animé pour enfant. La séance sur grand écran rend honneur à la perfection de l’animation, elle décuple la justesse des gestes des personnages. Le film est superbe, parfois un peu brumeux dans sa métaphore. Mais l’aspect méditatif de l’ensemble emporte tout et vous plonge dans une sorte de transe hypnotique face à la puissance de jeu des comédiens… Euh, excusez moi des figures animées.
Le film existait en DVD chez CTV. Il semble sorti du catalogue mais on le trouve encore sur des sites en occasion.
Perfect Blue
de Satoshi Kon. (1997)
Premier film du grand Satoshi. Déjà un chef d’œuvre qui raconte l’histoire de Mima, chanteuse de J-pop qui désire se lancer dans une carrière solo. Ce sera le début d’une longue descente aux enfers. Une histoire d’une précision absolue qui joue sur les faux semblants, les reflets, les hallucinations et nous emmène comme peu de films le font dans la folie du personnage. La projection m’a rappelé que Paranoïa Agent est sans doute l’une des meilleurs séries en manga que j’ai pu voir et que Satoshi Kon fait partie des réalisateurs qui savent matérialiser les rêves.
Si ce n’est déjà je vous invite à découvrir l’œuvre complète de cet artiste partie bien trop tôt.
Tokyo godfathers, Millenium Actress, Paranoïa Agent, Paprika
La journée se finie au café d’à côté avec une partie de l’équipe de Zone Bis. Eric m’explique comment sont sélectionnés les films pour le festival. Il semblerait que cela donne naissance à quelques débats épiques.
Samedi. Dernier jour de festival pour moi
Je sais que je vais louper quelques perles dont le dernier Sono Sion : Tokyo Tribes que j’attendais tellement. Pensez… Une comédie Musicale Hip Hop trash et décomplexée avec le meilleur de la scène hip hop japonaise!! Pfff…
Heureusement il y a le premier film de la sélection de Christophe Gans : Hitokiri, les 2 autres étant la Chute du faucon noir de Ridley Scott et les frissons de l’angoisse de Dario Argento. Damned! je ne verrais pas ces deux-là non plus…
Hitokiri, le châtiment
de Hideo Gosha (1969)
Une méchante claque!
Avec Femina Ridens c’est la deuxième perle incontestable du festival.Tout d’abord la copie 35 mm est juste magnifique.
J’ai passé une partie du film à détailler la qualité de rendu des matières. L’eau, la pierre, le bois, la peau… C’est la première impression qu’il m’a laissé. Un film minéral, dense et physique. Comme il semblerait qu’on ne peut plus en faire. Le scénario tourne autour de Izo Okada. Un ronin (Samouraï vagabond) qui va être manipulé tout su long par un politicien véreux qui va le manipuler pour parvenir à ses fins. C’est l’écrin noir du Chambara. Parce qu’il ne simplifie jamais ses enjeux; il n’y a pas de bons et méchants mais plutôt des êtres humains mus par des désirs souvent ambigus, Hitokiri est un film sombre et précieux. Okada est par exemple le serviteur volontaire d’un pouvoir dont il espère bien tirer profit. Cette motivation le conduira à sa perte. Les combats ne sont esthétisés que pour décupler la violence des relations qui se jouent. Hitokiri m’a laissé sans voix, exténué par l’ampleur de l’impact physique qu’il a eu. Durant sa présentation, Christophe Gans nous a dit qu’il avait pris l’avion pour le voir en salle. A sa vision je ne peux que le comprendre.
La discussion qui a suivi entre lui et les spectateurs était captivante. Christophe Gans déborde d’amour pour le cinéma. Pas bêtement, servilement ou aveuglément mais passionnément et il est passionnant à entendre… Il y avait la possibilité de prolonger la discussion avec lui. Mais ma timidité, encore une fois, et la force visuelle qui venait de me terrasser m’a empêché d’aller plus loin, et pourtant ce n’est pas l’envie qui m’en manquait.
Arrivait aussi rapidement le dernier film de mes Hallucinations…
The duke of Burgundy
de Peter Strickland (2015)
Réalisateur de Berberian Sound Studio, gagnant des Hallucinations 2013, revient donc avec ce nouveau film racontant la relation masochiste de 2 femmes passionnées de Lepidoptères. Les papillons donc.
The Duke est avant tout une histoire d’amour masochiste en mode mineur. Pas de racolage visuel ici mais bien au contraire une poésie visuelle et sensorielle de tous les instants. Leur relation débouche sur une enjeu somme toute assez classique si ce n’est ce lien particulier qui les unit. Mais l’histoire prend toute sa valeur par son approche fétichiste et sensuelle de l’image. On se détache peu à peu de la narration pour se laisser porter par la pureté visuelle et sonore de cette œuvre. Les actrices sont d’une beauté troublante et certaines images m’ont évoquées une ambiance gothique revisitée des films de la Hammer. Même si le film reste un peu moins marquant que Berberian Sound Studio parce que il arrive de se perdre un peu dans la beauté picturale des images; Peter Strickland fait indéniablement partie de ces réalisateurs à suivre.
Le film sort le 17 Juin 2015 au cinéma. Si il passe par chez vous ne le loupez pas.
Et voilà les Hallucinations sont déjà finies pour moi. Fin du trip. La descente est brutale car je dois rapidement reprendre la route après ce dernier film.
Je garde tout de même un sourire au coin des lèvres, parce que mes appétits cinéphiles ont été copieusement rassasiés.
Cette année la team Zone Bis a su encore une fois nous concocter un menu d’exception et je les en remercie sincèrement.
Vivement l’année prochaine.
… Rien que d’y penser je crois que j’ai un petit creux.