Climax

A propos de Gaspar Noé

En débarquant en France à l’âge de 12 ans, en 1977, Gaspar Noé tombe sur le magazine mensuel Hara-Kiri tenu par le professeur Choron et François Cavanna. Journal Bête et Méchant satirique, cynique et parfois grivois qui l’enchantera. Enfin un pays ou il n’y a pas de censure; pays ou on peut rire de tout.
C’était les années 80.
Et cela aura sans doute une grande influence sur sa façon d’aborder le cinéma. Noé met en scène ses angoisses, ses fantasmes, ses rêves et ses cauchemars et ses peurs les plus profondes dans un maelström d’images transgressives, suggestives et totalement jubilatoires. Par leur approche formelle impeccable les films de Noé provoquent des moments de transe collective. Des expériences à la frontière de la peur et du désir; du rêve et du réel. Tout comme l’un de ses cinéastes cultes, Dario Argento, Gaspar Noé nous transmet une intense joie de créer et de filmer ce qui ne peut pas être vu ou parfois ne doit pas être vu.

A propos de Climax

Le climax est le point culminant du récit qui intervient juste avant le dénouement.

C’est donc le titre du dernier Gaspar Noé qui s’avère le point culminant de ses expérimentations formelles. Il pousse ici ses envies d’improvisations et de création dans l’urgence : il ne story-boarde pas ses films et attend parfois d’être sur le plateau pour créer ses scènes. Le sujet de son cinéma c’est comment transmettre par la mise en scène un état émotionnel puissant et hypnotique qui éprouve nos limites morales.

Gaspar Noé décrit Climax comme le Worst of de sa filmographie. Un condensé de toutes ses obsessions adoptant une forme complètement libre. Pas de scénario, acteurs non-professionnels, le casting a duré 1 mois, 15 jours de tournage et un travail d’imprégnation collectif pour aboutir à 4 mois entre la mise en route et la présentation à Cannes.
Il avait déjà cette habitude sur ses précédents films puisque sur Irréversible, il y avait 5 pages de scénario et sur Love, 3 pages. Mais à chaque fois il élabore une vraie structure et une suite d’événements qui s’enrichissent au fur et à mesure des séquences tournées. C’est pour Climax qui pousse sa liberté de ton au maximum.
Les producteurs ont mis de l’argent de leur poche pour lancer le film ce qui est très rare.
Climax s’inspire de loin d’un fait réel parce que pour Gaspard Noé plus on se rapproche de l’authenticité du fait plus c’est compliqué de prendre des libertés quand on fait de la fiction.

Il n’y avait pas de répétitions avec les danseurs à part avec Sofia Boutella ; qui jouait la momie dans le film avec Tom Cruise The Mummy (2017) mais également dans Star Trek Beyond et Kingsman entre autres  et Souheila Yacoub ; professionnelle de gymnastique rythmique pendant 6 ans ; qui sont également comédiennes. Noé les a rencontrées 2 jours avant le tournage.
Les dialogues du films sont improvisés sur la trame de l’histoire.
Les danseurs ont choisis leur nom eux-mêmes. Dans la première partie, il leur demandait de s’amuser avant tous et si certains voulaient embrasser ou frapper un autre ils devaient le dire à Gaspard Noé qui demandait à la personne concernée. En ce sens Climax est son film le plus collectif dans le sens ou les relations entre les personnages se sont créer par l’écoute des danseurs, leurs attentes dans l’histoire. Avant de chercher des comédiens, Noé a chercher des gens charismatiques. Comme le disait Alain Cavalier, il faut aimer les gens qu’on filme. Noé trouvait ses danseurs fascinants. Il a arrangé l’histoire en fonction de leur charisme et de leurs désirs de jeu.

Pour la deuxième partie comme les danseurs ne boivent pas ou ne se droguent il leur montrait des vidéos de gens défoncés sur internet par qu’ils puissent construire leurs personnages.

Gaspard Noé cherchait des danseurs de Krump (danse non violente exprimant la vie et toute sa jouissance. Il n’y a pas de conflit physique entre les danseurs), Whacking (Waacking?) est une forme afro-américaine de la danse de rue qui provient des clubs homosexuels des USA (apparue dans les années 70 et inspirée de la musique disco d’abord. Puis elle devient plus funk avec l’arrivée du Hip Hop. La danse a disparue peu à peu des écrans jusqu’en 2018 ou elle réapparaît dans le clip Apeshit de Beyoncé et Jay Z exécutée par la danseuse française Josépha Madoki. Le waacking s’inspire des stars hollywoodiennes et notamment de Greta Garbo d’ou le nom qu’elle prend parfois (Garbo)

 

Le danseur Strauss serpent a été recruté par Gaspar Noé 3 semaines avant le tournage en voyant une vidéo de lui danser dans l’émission l’Afrique a un incroyable talent. Le temps de pouvoir le faire venir, il a débarqué sur le plateau 2 jours avant le tournage sans rien connaître du film.

Si vous voyez un enfant sur l’écran essayez de le protéger.

Au début du film, les images de casting respect le format vidéo de l’époque : le 4/3 (1995).
Du coup l’idée lui est venu de les projeter dans une télé avec autour toutes les références de ce qu’il regardait et lisait à l’époque.

A part Eraserhead, il n’y a pas de film américain. Ce ne sont que des auteurs et écrivains européens.
Querelle de Fassinber (A cause du vocabulaire incroyablement ordurier qu’on ne retrouve plus).
La maman et la putain de Jean Eustache (1973). L’un des films préférés de Gaspard Noé qui n’est jamais sorti en VHS en France. Et des cassettes de Hara Kiri qui sont devenues très recherchées.

 

Il y a également une référence évidente à Suspiria de Dario Argento, l’une de ses références majeures, c’est un film qui se passe dans une école de danseuses et qui, comme il évoque lui-même, nous plonge dans un état de transe collectif et abolit complètement la frontière entre le rêve et la réalité.

Le film a été tourné dans l’ordre chronologique et le premier plan tourné est celui de la chorégraphie qui a nécessité 2 jours de répétitions.
C’est Gaspard Noé qui tient la caméra et qui s’occupe du cadrage pendant tous le film. Il s’entend très bien avec  Benoît Debie ; chef opérateur génial sur les frères sisters de Jacques Audiard, Spring Breakers de Harmony Korine, Vynian de Fabrice Du Welz, Lost River de Ryan Gosling entre autres. Sur Irréversible c’est également lui qui tenait la caméra la plus part du temps sauf pour 2 plans steadycam. Dans Enter the void c’est Noé également. Et pour Love c’étaient des plans fixes donc ils faisaient le cadre ensemble.

 

La meilleure description du cinéma de Gaspard Noé, elle est donnée par lui-même *

Le cinéma c’est comme les rêves. Tu veux vivre tout ce que tu veux dans tes rêves. tous tes désirs, tes fantasmes, tes cauchemars aussi. Et quand un réalisateur arrive à te plonger dans cet état de transe dans lequel il te fait partager ses peurs, ses désirs tu te sens moins seul. Mais pour cela il faut atteindre cet état de transe collectif ce que très peu de réalisateurs arrivent à faire.

Noé préfère revoir 2001, l’odyssée de l’espace que prendre un acide et  finir au poste, ou perdu cul nu dans la rue à 3 heures du matin dans un pays que tu ne connais pas(?)

Allez au ciné voir des films violents c’est du rituel, tu sais que tu sors sain et sauf. Tu sais que dans irréversible aucune fille ne s’est fait violentée. Ça te permet donc de réfléchir à des choses sans risquer quoi que ce soit. Ou si tu vas voir un film érotique de voir tes désirs sur l’écran sans te sentir coupable de tromper ta femme.

Enfin il me paraît impossible de ne pas parler de celle qui a été la compagne de route de Gaspard Noé : Lucile Hadzihalilovic puisqu’il a fondé avec elle la société Les Cinémas de la zone. Elle a évoluée dans l’ombre de Noé et n’a actuellement pas connue le même succès que lui : Femme et réalisatrice dans le cinéma de genre en France, c’est cumuler les difficultés!  Pourtant en 3 longs métrages elle a construit une oeuvre d’une incroyable densité. D’une maîtrise technique hallucinante elle y montre des préoccupations bien différentes de celles de Gaspar Noé mais toutes aussi intéressantes. Précipitez vous donc sur La bouche de Jean Pierre, Innocence et Evolution ; une ballade en territoire lovecraftien d’une beauté terrassante. On espère pouvoir vous le faire découvrir sur grand écran une prochaine fois.

 

*extraits tirés de la rencontre qui a suivie la projection de Climax organisée par Hallucinations Collectives – Zone Bis au cinéma Comédia à Lyon.