Spectateur de festival – Jour 3

Avec les films

Downrange de Ryûhei Kitamura
La nuit a dévoré le monde de Dominique Rocher
Les bonnes manières de Juliana Rojas et Marco Dutras
Chasseuse de Géants de Anders Walter
Mutafukaz de Guillaume Renard et Shoujiro Nishimi

Jour 3

Réveil calme. Un peu la gueule en biais quand même. Le temps de tout noter hier on s’est couché à 2h00 du mat’. Donc même après quelques heures de sommeil, le décalage de rythme apparaît. Nous sommes dans le tempo du festival. Préparation sandwichs pour la journée.

Téléportation immédiate. Nous voilà à 11h00 au cinéma du Casino.

 

Downrange
De Ryûhey Kitamura

Le réal de Versus et Midnight Meat train revient avec un nouveau film concept qu’il réussit à transcender par ses aptitudes visuelles et une générosité dans le gore sale et réjouissante. Headshots, écrasements et démenbrements nous éclaboussent généreusement la rétine. Ce film c’est la confiserie pour les yeux.
6 passagers en covoiturage blablacar. La voiture crève sur une route déserte uniquement surveillée par un sniper psychopathe. C’est bon et efficace. Les personnages ne s’embarrassent d’une psychologie douteuse et même si ils sont par moments agaçants ils restent bien plus humains que ceux de Tragedy Girls vu la veille.  L’ambiance dans la salle étant au second degré. Les rires de satisfaction fusent face à l’extrême de certaines situations. Sans doute le film le plus jouissivement gore pour l’instant. A voir.

En allant au lac, lieu du prochain rendez-vous. Psycow affine le programme. Il faut changer certaines réservations. Garder l’oeil sur le site. Les places se libèrent et se reprennent dans la foulée. Je dois annuler une réservation pour la changer mais mon accès est bloqué. Impossible de l’atteindre sur mon téléphone. Psycow me renvoie un mot de passe. Une fois, deux fois. Error 404. Ta gueule! C’est quoi ce téléphone, nous marchons les yeux rivés sur les écrans. Commentant les actions tout en jetant des coups d’oeils rapides sur la route. Un passage à négocier ardue. Il faut regarder où on met les pieds quand même parce qu’il neige depuis deux jours, ça glisse. Petit dérapage contrôlé des semelles et on arrive sur le chemin du lac. Je finis par pouvoir changer mon mot de passe. Psycow se reconnecte. Pour moi et pour lui. Les doigts se déplacent sur le clavier avec une précision mathématique. Concentré, il exécute les bons gestes les uns après les autres et… il accomplit sa mission. Tout rentre dans l’ordre tandis que nous arrivons au lac.


L’espace Lac. C’est la où se joue l’acte principal du festival. Séances des films en compétition. Les nuits… Cette année une nuit Hellraiser et une nuit Décalée de seulement deux films. C’est la plus grande salle de Gérardmer. La configuration du lieu est étrange. La salle est scindée en 2. Derrière des gradins un peu justes pour des gros culs comme le mien.  Et le devant de la salle est plat avec une tripotée de sièges tous au même niveau et dans mes souvenirs pas super agréables. Heureusement c’est compensé par une ambiance généreuse et un public vraiment cool. Le siège des gradins m’enlace.
Nous sommes venus voir.

La nuit a dévoré le monde
 de Dominique Rocher.

Tiré d’un roman, le film distille une vraie atmosphère de fin du monde. Angoissante. Cloîtrant un personnage asocial dans un immeuble dont les alentours, c’est à dire a peu près tout Paris sont infestés de Zombies. Bon c’est beau! Ca se regarde. Mais le côté film de zombies qui n’assume pas complètement son statut est un peu gênant. Dépressif comme un film d’auteur. Intéressant parce que c’est une prise de risque mais le personnage en lutte contre lui-même n’est pas des plus captivants et les morts-vivants un peu accessoires dans l’histoire. Peut-être que le sujet est ailleurs mais du coup l’autre sujet ne m’intéresse que moyennement.
Avec un peu de recul je me rends bien compte qu’on peut apprécier différemment un film en festival. Donc je reviens un peu sur ce que je disais. La nuit a dévoré le monde n’est pas un mauvais film. Je l’ai réellement apprécié pour son interprétation, l’ambiance angoissante, le sentiment prégnant de solitude. Peu de films arrivent à nous faire ressentir si clairement l’isolement et la lente descente dans la folie d’un personnage. Il ne faut juste pas s’attendre à un film de zombies. Donc allez le voir en connaissance de cause. Il se pourrait bien que vous l’appréciez. En tout cas l’affiche est magnifique.

 

L’angoisse de la file d’attente. Arrivés en premier dans la file, Cédric m’attend. On est les premiers. Yipee ! Le monsieur qui berce à l’entrée, gilet rouge, tête aimable mais machine binaire qui décide de quel côté de la file tu te situes. Je tends mon badge confiant. Un écran rouge s’affiche. La voix lointaine d’aimable retentit.
« Mettez vous dans la file d’à côté… la file des sans réservations.
Quoi!! Mais… Mais on a toujours filé droit pourtant. Pas de vagues, rien. Et là, c’est la dégringolade. Nous sommes 4 à attendre qu’on daigne nous accorder de la place. C’est dans ce moment de grand désespoir, aussi grand qu’un silence gênant que le monsieur devant nous adresse la parole. C’est un vieux sage; il a un livre à la main, et les yeux qui pétillent. Ils nous raconte les temps anciens ou les réservations n’existaient pas. Il fallait faire la queue sans être sûr de rentrer. Même quand on avait un Pass. C’est quelque chose qu’on a dû mal à imaginer nous les privilégiés de la résa. Mais là, regardant passer les autres, 300 au moins, avant de rentrer. C’est un mélange d’excitation et de stress. Est-ce qu’on pourra voir ce putain de film. Et puis l’une des bénévoles, Nadège; celle à qui Psycow a fait un présent pour l’équipe, nous rassure. Il reste assez de places pour nous. Plus qu’à attendre un peu et on a à nouveau les fesses calées dans les fauteuils rouges du Casino.

 

Les bonnes manières.
de Juliana Rojas et Marco Dutra
France/Brésil. La rencontre au sommet. Prix de la Critique. Le film m’a laissé perplexe. Une mise en scène unique sur l’histoire de la rencontre de deux femmes, d’une mère, d’un enfant différent. Un traitement qui passe de la comédie musicale au film d’horreur et à la chronique sociale avec un naturel confondant. Pourtant un peu pénible pour moi. Pas réussi à attraper le fil de l’histoire. Les personnages. Et l’impression d’assister à un exercice de style qui se perdait en chemin, se retrouve puis se perd à nouveau. Peut-être faudrait-il le revoir à un autre moment. J’épilogue pas sur celui-là parce que je ne sais pas quoi en dire. J’imagine et je comprends pourquoi il peut plaire sans y avoir succomber. Pourtant j’ai beaucoup aimé la deuxième partie. L’histoire de l’enfant très touchante.

Le manège reprend. Sortie de salle, se remettre dans la file. J’ai perdu tout le monde. Nous sommes différentes strates temporelles d’attente. Milieu de file, bout de la queue, tête de peloton. Finalement le festival avance et le temps se diffracte en espaces de réalités. Instants visuels. Espaces séquentiels. La place dans la queue. Le siège dans la salle. Les toilettes? Oui quand même. Lecture du programme, Sandwichs. Planning. La file d’attente, bout de la queue, Peloton de tête, salle. Avant le film. Une spectatrice à côté de nous. Accent chantant à la Psycow. Elle travaille au Casino. Et vient profiter de quelques projections. Elle aime bien Gérardmer.

Chasseuse de géants.
de Anders Walter

Adapté du comics sortie en 2008 signé du Joe Kelly et J.M.Ken Niimura. Le film arrive après quelques minutes après minuit, Before I wake. Du coup aussi réussi que soit le film, techniquement  il l’est, il lui manque le souffle d’émotions qui nous permettrait d’adhérer. Et puis l’amie de l’héroïne Barbara est transparente. Son rôle n’est pas claire et elle semble présente uniquement comme point d’ancrage face à l’étrangeté de Barbara. Leur amitié ne fonctionne que très peu. Pourtant la mise en scène est efficace, les acteurs impeccables, Zoé Zaldana en tête et Imogen Poots qui joue une grande soeur dépassée par les terreurs de son frère et sa soeur. L’impression d’éventer la trame au bout de vingt minutes. Jusqu’à un final, comment dire, trop moralisateur? Le film a quand même reçu un bon accueil et je pense simplement y avoir été extérieur. Si vous n’avez pas vu les films cités vous pourrez apprécier celui-là. Après 3 jours j’étais plus en mode recherche de claquage type downrange ou tragedy girls. Si j’ai apprécié ces 2  là, ils ne font pas partie de mes préférés du festival. Cela viendra après. Nos coloques partent voir Revenge. J’aurais aimé le voir mais c’était pris. Pas grave. Si je ne vais à toi. Viens me voir.

 

Et grosse attente : Bim. Mutafukaz
de Guillaume Renard et Shoujiro Nishimi

Hé,hé. Puta Madre! Explosif. l’idée géniale de Run c’est de s’être allié des studio 4°C, créateurs de Amer Béton, Mind Game (Enorme!). On retrouve la qualité visuelle de la BD, retranscrite dans les moindres détails avec une précision anatomique dans la déformation des corps, l’animation fluide et souple. Il condense plutôt habilement l’histoire du comics. J’aurais tendance à penser que c’est le format idéal de l’histoire. RUN avait d’ailleurs cette envie dès le départ puisqu’en 2002 il sort le court-métrage Mutafukaz : opération Blackhead. Et c’est vrai que le dynamisme du trait de RUN et son soucis de réalisme graphique (plein de private-joke et de références personnelles) colle bien à ce récit plus ramassé à l’action débridée. Orelsan et Gringe se glissent calmement dans la peau des personnages et on finit par les oublier pour ne voir plus que Lino et Vinz. Musique excellente évidemment. Mutafukaz le film c’est l’acmé de l’histoire de Vinz et Angelino. Sa meilleure incarnation.
Il a eu le prix de la meilleure musique. Entièrement réalisée par The Toxic Avenger.
Il a également eu le prix jeune public. C’est bien les jeunes.

 

Flocons jaunes dans la lumière des réverbères, une bite dessinée dans la neige sur un capot. Au loin quelques discussions bruyantes et joyeuses. Le festival continu.