Je me lève un peu péniblement. Psycow est déjà debout depuis une bonne heure. Douche dans la gueule, deux cafés cul-sec. J’avale quelques gâteaux et fruits. Psycow part devant réserver les places au Casino. Dehors le ciel a une étrange couleur bleue du plus bel effet. La lumière du soleil tape sur les pentes enneigées entourant la ville. Lumière presque aveuglante quand on passe la plus part de son temps au cinéma. Je me nourris de cette afflux de vitamines. Sur le chemin. La journée s’annonce belle et affriolante comme un sorbet aux fruits sortis du congélateur. Elle va être bonne même si au début elle te claque les dents et te colle une violente migraine. C’est notre dernier jour de festival. Comme hier la journée sera un peu plus calme. Je l’aborde sereinement. A moins que Winchester soit LA surprise du festival je pense savoir qui mérite le Grand Prix.
Et puis bon on commence par 4 histoires fantastiques de William Laboury, Maël le Mée, Just Phillipot, Steeve Calvo. Courts métrages issus des résidences SoFilm de genre. Livraison, la deuxième histoire faisait partie de la compétition des courts. Je trouve ça étrange. Chose mentale, Acide, et Aurore démarrent tous sur une idée sympa. D’une durée moyenne de 20 mns les courts métrages s’en sortent plutôt bien dans leur première partie; les enjeux posés sont tous intéressants; malheureusement la narration se dilue aléatoirement en chemin et on perd peu à peu l’intérêt face à Chose Mentale et Aurore.
Chose mentale raconte l’histoire d’un personnage électro sensible qui va voyager hors de son corps pour échapper à un hold up. Aurore, celle d’une adolescente mutante dont le pouvoir va lui faire découvrir de nouvelles possibilités érotiques. Livraison et ses zombies vendus comme du bétail; reste assez classique. Seul Acide à mon avis s’en sort plutôt bien. La retranscription du sentiment d’urgence et de fin du monde est captivante et réussie à nous tenir en haleine jusqu’au bout.. Mais Chose mentale et Aurore ne semblent que survoler leur sujet avec une certaine frilosité et se perdent en chemin tandis que Livraison et Acide déroulent une narration somme toute assez classique. En somme rien de bien captivant. Toutefois tous les comédiens sont excellents et très investis et ce sont tous des gueules qu’on a pas l’habitude de voir dans le cinéma français. Un vent de fraîcheur salutaire. Pour info, les courts ne sont pas reliés entre eux. Ce n’est pas vraiment une anthologie, les liens entre ces histoires me semblent aléatoires si il y en a.
Retour rapide au Casino pour la suite du programme. Dans les escaliers pour arriver à la salle, Cécile, une bénévole, galère à filer les tickets de vote aux spectateurs. Mais oui elle est sur la droite de l’escalier! Elle n’entre pas dans notre champ de vision accaparés que nous sommes à viser les places potentielles avant même de les voir. Nous humons déjà l’air ambiant, écoutons le brouhaha. Ressemblant plutôt à des vaguelettes s’échouant sur le sable ! Y’a pas encore trop de monde. Nous pourrons choisir. Voilà pourquoi elle s’escrime donc à exister face à une horde de spectateurs qui déboulent avec pour seule question existentielle : mais ou vais-je bien pouvoir poser mon cul? L’équipe de bénévoles du festival est sympa et généreuse. Je l’ai déjà dis? Je sais plus mais en tout cas nous avons croisé que des sourires. Ce soir ils pourront enfin profiter du cadeau- apéro que leur a fait Psycow. Est-ce que d’autres personnes leur font des cadeaux à eux, nos guides en habits rouges? Je ne sais pas. Etant moi-même le dernier des égoïstes, je ne crois pas que l’idée m’aurait traversé l’esprit si Psycow ne l’avait pas fait le plus naturellement du monde. Parfois je me trouve presque aussi minable que ces carriéristes de politiciens qui te balancent un merci! Comme un slogan de campagne. J’en suis là dans mes pensées attendant Psycow, surveillant les places en affichant l’expression la plus confiante possible sur mon échelle personnelle, un gros 10 quoi, qui correspond à peu près à un bon 3 sur l’échelle de n’importe quel humain normalement constitué.
Place occupée, libre? Tu m’étonnes que c’est occupé. C’est un jeu rapide de regards qui s’instaure. Un radar qui balaye la salle, commençant par les coins qu’on connaît pour éventuellement dériver sur les places périphériques si nos habitudes sont occupées. Pas le temps d’imprimer la forme de mes fesses à un siège en particulier. Mais le Casino c’est un peu chez nous. Y’a notre odeur, nos miettes de repas, nos émotions partagées avec une salle souvent pleine. Nos films coup de cœur, les purges, les films à sieste et les grosses calottes. On s’assoit au Casino comme on s’assoit sur le canapé de la maison. Et on partage nos expériences collectives.
Housewife de Can Evrenol
Est-ce la fatigue? L’émotion? Le sandwich tartare, concombre, chèvre, coppa un peu écoeurant? Le fait que Psycow et moi pensons déjà au rencard avec Rurik et Aude. Le film Housewife défile devant mes yeux comme un programme télé d’arrière plan. Mon cerveau coule par mes narines après la scène ou l’héroïne se masturbe en repensant au meurtre de sa soeur. J’abandonne toute tentative de raisonner face au film, comme devant le menu best of d’un fast food. Ce film est un melting pot cheap s’inspirant d’Argento et de Polanski période Rosemary Baby. C’est un espèce de rêve fiévreux, malsain et incompréhensible. Certaines scènes donnent envie d’y croire. Un film satanique pourquoi pas et puis en fait non. Un peu comme au fast food en sortant on a déjà oublié ce qu’on vient de manger. On a juste l’impression d’être vaguement câlé.
Arrivés au troquet nous croisons nos amis chalonnais qui sont à leur deuxième jour de festival. Comme y caille sévère on tourne au chocolat chaud et au thé. Puis Rurik Sallé et Aude Boutillon arrivent. Nous sommes installés dans la salle. Pour ceux qui ne connaîtraient pas Rurik Sallé c’est un comédien, musicien, cinéphile, ancien chroniqueur à Mad Movies puis dans le regretté magazine Métaluna (Métaluna fondé par Jean Pierre Putters créateur mythique du magazine Mad Movies, du Métaluna Store et de la société de production Métaluna) qui évolue dorénavant dans la constellation Distorsion avec quelques autres larrons. Un truc bizarre, protéïforme, bordélique et intriguant. Distorsion c’est donc des arrachés qui produisent des ouvrages sur du beau papier qui procure des orgasmes aux doigts, de la musique, des événements, des émissions… Des créations de passionnés pour une bande de passionnés. Psycow fait partie des soutiens des Distordudes depuis longtemps. Leurs créations passent souvent par le crowdfunding et Psycow soutient toujours. Moi je me réveille un peu plus tard et j’achète parfois Distorsion ou par exemple le recueil Le cinéma français c’est de la merde. Une excellente idée de remettre en avant tout un pan de la cinématographie française déviante, étrange, débile, dark. Je les découvre donc. La discussion qui s’en suit concerne évidemment le cinéma, Gérardmer et Psycow. Ca restera un moment privilégié avec des gens sans prétentions, attentifs et généreux. Ils portent un regard chaleureux sincère à leurs lecteurs et leur soutien. Ils ont ramenés à Psycow les gâteaux qu’ils lui avaient promis. Un moment très agréable. Mais il nous reste encore un grand défi à relever. Enfin surtout à Psycow. Nous rentrons dans le Grand Hôtel à la recherche d’un membre du jury. Mais il est 18H00, le jury est en délibération. Nous apercevons Pascal Laugier dans l’entrée. Rurik et Aude passent à ce moment et nous incitent à aller le voir. Donc cachant ma timidité derrière la silhouette massive de Psycow nous allons lui dire bonjour. Petite photo et j’en profite pour lui dire tout le bien que je pense de Ghostland. Mais oui Ghostland! Et tout le reste semble un peu fade. Tellement fier d’avoir posé à côté de Mr Laugier. J’aurais aimé rencontrer Mathieu Kassovitz parce que Assassin(s), l’ordre et la morale, la Haine, Métisse… Un maître. Bon allez, on est bien et le prochain film nous attend.
The Titan de Lennart Ruff
Film de science-fiction avec Sam Worthington plutôt dispensable malgré un pitch intéressant. En 2048, une troupe de soldats est réquisitionnée pour subir des mutations qui leur permettront de coloniser Titan la lutte de Saturne. Voilà tout est là. Le reste c’est un peu expédié, truffé de grosses cordes scénaristiques trouant une histoire emmental. Un soir d’errance sur une plateforme V.O.D peut-être mais pas plus. Je laisse défiler les 3/4 premiers quart d’heure. Prometteurs puis je m’endors mollement, un peu honteusement. Surtout au réveil en fait. J’ouvre les yeux sur les derniers plans du films… Aïe! Ça pique les yeux. C’est comme si le Na’vi Sam Worthington avait pris de l’héro. C’est le seul film que nous verrons au MCL. Cinéma un poil moins agréable que le Casino mais qui reste assez agréable avec des sièges entre le bleu saphir et le bleu égyptien.
Winchester de Michael Spierig et Peter Spierig
Sur la base de l’histoire vraie de Sarah Winchester. La femme de l’inventeur des carabines Winchester et des patins à roulettes. Sarah Winchester est obsédée par l’idée que toutes les âmes prisent par les carabines doivent être emprisonnées dans sa maison. La maison est en perpétuelle construction, jour et nuit. Cette maison existe, le personnage de Sarah Winchester a existé. Le film est pas terrible et nous raconte une histoire très classique malgré un décorum original, des motivations du personnage principal intéressantes l’histoire ne décolle jamais vraiment. Sur le même sujet une BD très intéressante est sortie il y a peu. Elle s’appelle dans l’Antre de Pénitence.
Bon ben voilà dernière nuit à l’appartement. Dehors les rues sont déjà calmes. Super calmes. Ce fut un festival plutôt cool. Sans pression. Enfin si une seule : voir le maximum de films. Se charger pour l’année parce que faut dire ce qu’y est, les films fantastique sont de moins en moins distribués dans les salles. A cela il y a pas mal de raisons dont certaines me dépassent. Et pourtant il y en a une qui écrase toutes les autres à mon humble avis de scribouillard du Dimanche : n’importe quel film mérite d’être vu au cinéma. Au moins une fois. Pourquoi des films comme Criminal Squad (au hasard) ou Epouse moi mon pote (oui je l’ai vu, oui je me suis senti violé) bénéficieraient de ce droit et Les Affamés (par exemple) sort directement sur Netflix? Hein pourquoi. Je feuillette le programme de Gérardmer en spéculant sur les films qui vont sortir. Ceux que j’aimerais voir sortir. Nous discutons avec Psycow en fumant une cigarette dans le froid sec de la nuit vosgienne. Demain nous repartirons. Ce soir nous profitions de nos derniers instants dans les mondes fantastiques de Gérardmer.
Rooooob!